Monday, July 2, 2007

Adil Charkaoui exige une enquête publique

Adil Charkaoui

Visiblement en colère, le résident permanent d'origine marocaine Adil Charkaoui a appelé, vendredi, lors d'une conférence de presse, les autorités canadiennes à enquêter sur la divulgation par le quotidien La Presse d'un document des services secrets l'incriminant.

La Presse a en effet dévoilé, vendredi, le contenu d'un document secret envoyé à ses journalistes par une source anonyme et dont un segment accuse Adil Charkaoui d'avoir discuté, le 25 juin 2000, du détournement d'un avion de ligne en partance de Montréal.

Ces informations auraient été utilisées par le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) pour justifier auprès d'Ottawa, trois ans plus tard, en 2003, l'émission d'un certificat de sécurité à l'encontre de M. Charkaoui.

Pour M. Charkaoui et ses avocats, il ne fait aucun doute que les auteurs de la fuite d'information ont violé la loi canadienne en divulguant des informations secrètes. M. Charkaoui estime faire les frais de l'impopularité de la mission canadienne en Afghanistan, les autorités cherchant, selon lui, à l'incriminer pour prouver l'existence de la menace terroriste au pays.

Ainsi, selon un document secret intitulé « Former Terrorist Training Camps in Afghanistan: Major Sites and Assessment » et obtenu par La Presse, Adil Charkaoui aurait planifié un acte terroriste avec un autre individu soupçonné d'avoir fréquenté des camps d'entraînement d'Al-Qaïda un an auparavant, Hashim Tahir.

Le SCRS soutient que les deux hommes « planifiaient un attentat terroriste en prenant possession d'un avion en partance de Montréal vers une destination inconnue à l'étranger, possiblement en Europe, selon un modus operandi comparable à celui qui a été utilisé lors des multiples attentats terroristes du 11 septembre 2001 ».

Le document obtenu par La Presse ne précise cependant pas si les autorités canadiennes sont bel et bien en possession d'un quelconque enregistrement incriminant, pas plus, en fait, qu'il n'est fait mention de la place que prend ce même document dans l'ensemble de la preuve déposée en secret contre Adil Charkaoui.

Une entrevue avec Adil Charkaoui

Écoutez notre entrevue réalisée avec Adil Charkaoui en décembre 2005, au moment où il sortait de prison.

M. Charkaoui, qui a passé 21 mois en prison sous le coup d'un certificat de sécurité et qui, depuis février 2005, doit se plier à de strictes conditions de remises en liberté, nie catégoriquement avoir planifié un détournement d'avion.

Joint par La Presse, le ressortissant marocain estime que le document est une atteinte grave à sa réputation et qu'une telle divulgation d'informations est « en dehors des règles d'usage de la Cour fédérale et de la Commission d'accès à l'information ».

Les services secrets ont toujours refusé, prétextant la sécurité nationale, de détailler leurs accusations à l'encontre d'individus sous le coup d'un certificat de sécurité. Il appert que le document incriminant M. Charkaoui aurait été rédigé grâce à la collaboration des services secrets américains, britanniques, néo-zélandais et australiens. Ces pays sont tous membres, ainsi que le Canada, d'un important réseau mondial d'écoute électronique, nommé Echelon.

Réaction de Stephen Harper

Stephen Harper, premier ministre du Canada

Stephen Harper

En conférence de presse, dans le cadre de son bilan de session, le premier ministre Stephen Harper a déclaré qu'il ne ferait pas de commentaire sur un cas qui est déjà devant les tribunaux, comme celui d'Adil Charkaoui. « Les questions sont bien sérieuses », s'est-il contenté de dire.

Le principe même des certificats de sécurité est très contesté au Canada. Ainsi, la Cour suprême a donné à Ottawa, en mai dernier, un an pour revoir la législation à ce propos afin de la rendre conforme au droit canadien.

Le premier ministre Harper a promis vendredi que le gouvernement présenterait des modifications aux certificats de sécurité lors de la rentrée parlementaire de l'automne.

Le SCRS a également fait part de son refus de commenter l'affaire. « Le Service prend toute allégation concernant une fuite possible de documents au sérieux, et n'excuse jamais la divulgation non autorisée d'information. En règle générale, le Service ne fait aucun commentaire sur les sujets opérationnels », indique une déclaration écrite du SCRS.