Friday, February 1, 2008

Charkaoui soutient que la preuve est biaisée

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Karine Fortin

La Presse Canadienne

Ottawa

Les procureurs d'Adil Charkaoui, qui fait l'objet d'un certificat de sécurité depuis 2003 parce qu'on le soupçonne d'avoir été lié à des organisations terroristes, a argué jeudi devant la Cour suprême du Canada que la preuve contre lui était biaisée.

Me Dominique Larochelle, qui représente le ressortissant d'origine marocaine, a soutenu devant le plus haut tribunal du pays que les services secrets avaient brimé les droits fondamentaux de M. Charkaoui en détruisant les enregistrements et les transcriptions des interrogatoires menés dans le cadre de l'enquête sur lui.

L'avocate de M. Charkaoui affirme par ailleurs que l'enquête du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) était biaisé et que le ministre de l'Immigration qui a signé le certificat de sécurité en 2003 ne disposait pas de tous les éléments nécessaires pour prendre une décision éclairée.

De l'avis de Me Larochelle, ces manquements justifieraient la révocation du certificat qui a valu 21 mois de détention à son client.

Plusieurs organisations appuient Adil Charkaoui et ont plaidé en sa faveur. C'est notamment le cas de l'Association du Barreau canadien, du Barreau du Québec et d'Amnistie internationale.

La plupart de ces groupes estiment que le SCRS devrait absolument conserver tous les documents, notes et enregistrements susceptibles de servir à incriminer une personne ou de justifier sa détention.

Pour l'avocate d'Amnistie internationale, Vanessa Gruben, il est actuellement impossible pour le juge chargé d'évaluer la pertinence d'un certificat de sécurité de savoir si les renseignements à sa disposition ont été recueillis en ayant recours à des méthodes légales.

Cette question est fondamentale puisque l'histoire prouve que les informations obtenues par des moyens illégaux tels que la torture ne sont pas toujours fiables, a-t-elle expliqué en substance.

Un juge qui se baserait sur de tels renseignements brimerait les droits de l'accusé en plus de contrevenir à plusieurs traités internationaux ratifiés par le Canada, a-t-elle ajouté dans son exposé.

Le procureur général du Canada, représenté par Me Claude Joyal, a répliqué que le SCRS était une entité civile et, qu'en conséquence, sa politique de gestion de l'information devait être différente de celle d'un corps policier.

Il a expliqué que les employés du service pouvaient détruire les documents contenant des informations «inutiles» et «périphériques» dans le but de protéger la vie privée des personnes concernées.

Les renseignements obtenus par le SCRS deviennent en effet publics 20 ans après le décès des individus surveillés.

Il a assuré que cette pratique ne rendait pas les résumés biaisés pour autant.
Le Procureur général de l'Ontario, Me Michael Bernstein, a abondé dans le même sens. Il est allé jusqu'à comparer le SCRS à un hôpital et à une école «qui peuvent parfois se retrouver en possession d'information qui sera un jour utile à une enquête criminelle» mais qui ne sont pas tenus de conserver toutes leurs notes sur tout le monde.

La Cour a pris la cause d'Adil Charkaoui en délibéré. À sa sortie du tribunal, le Montréalais semblait très confiant.

«Je commence à respirer et j'espère que j'aurai justice», a-t-il confié aux médias qui l'attendaient dans le hall de la Cour suprême, à Ottawa.

Son avocate, Me Larochelle, s'est elle aussi dite très optimiste parce qu'elle estime
que le gouvernement a eu beaucoup de mal à justifier son comportement.

«Défendre l'indéfendable, c'est assez difficile. Défendre des politiques du gouvernement qui ne sont pas justifiées, qui ne tiennent pas compte des droits de la personne dans le cadre d'une procédure qui entraîne des conséquences aussi graves pour la vie de la personne, c'est une affaire qui est très difficile», a-t-elle insisté.

Harkat comparaît aussi

Mohamed Harkat sera lui aussi devant les tribunaux aujourd'hui. L'homme d'origine algérienne, mis en liberté sous conditions en mai 2006, a été arrêté mercredi alors qu'il prenait sa douche dans son domicile de la région d'Ottawa. L'Agence des services frontaliers affirme qu'il a violé ses conditions de mise en liberté. M. Harkat contestera cette décision devant la Cour fédérale.

http://www.cyberpresse.ca/article/20080131/CPACTUALITES/801310607/6488/CPACTUALITES