Wednesday, August 8, 2007

De plus en plus d'Haïtiens cherchent asile au Canada

LA PRESSE

Le samedi 04 août 2007

Hugo de Grandpré

Le nombre d'Haïtiens qui demandent l'asile au Canada a fait un bond de géant depuis deux ans. Si la tendance se maintient, il aura triplé d'ici la fin de l'année par rapport à 2005.

Cette année, de janvier à juin, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR) a reçu 1008 demandes d'asile provenant d'Haïtiens. Elle en a reçu 769 en 2006 et 378 en 2005. Cette hausse place les Haïtiens au deuxième rang des demandeurs d'asile au Canada.

C'est ce que révèlent des documents que La Presse a obtenus de diverses agences fédérales, dont certains grâce à la Loi sur l'accès à l'information.

La situation politique, le crime, la pauvreté et les enlèvements se seraient-ils à ce point aggravés à Haïti au cours des dernières années? Non, répondent des spécialistes, selon qui le phénomène s'expliquerait plutôt par des subtilités de la loi canadienne.

En 2004, une nouvelle entente entre le Canada et les États-Unis (voir encadré) a fait croire à plusieurs Haïtiens que les frontières canadiennes leur étaient fermées s'ils arrivaient par voie terrestre plutôt que par avion, explique Richard Goldman, du Comité d'aide aux réfugiés. «À l'époque, nous avons reçu plusieurs appels en ce sens, dit-il. Maintenant, il semble que certains groupes se soient aperçus qu'ils n'étaient pas visés par l'entente.»

Peter Showler, professeur de droit à l'Université d'Ottawa, tient essentiellement les mêmes propos: «Les choses ne vont pas très bien là-bas, mais elles ne vont pas très bien depuis quand même un certain temps.»


Pas une vague


Selon le droit international, peuvent être considérés comme des réfugiés ou des personnes à protéger les gens qui craignent d'être persécutés, menacés ou torturés pour des motifs comme leur race, leur religion ou leur idées politiques.

De plus en plus de demandeurs d'asile semblent répondre à ces critères: au cours des six premiers mois de 2007, la CISR a fait droit à 66% des demandes, comparativement à 53% en 2006.

Le nombre de personnes acceptées depuis le début de l'année demeure malgré tout relativement faible: 65 personnes sur les 98 dont le dossier a pu être étudié. Près de 1600 dossiers, dont plusieurs datent d'années antérieures, sont toujours en traitement. En 2005, seulement 210 des 769 demandes transmises à la Commission avaient passé le test.

À la lumière de ces statistiques, on ne peut pas parler de vague, affirme Richard Goldman. «Quelques centaines de personnes en quelques mois, je ne crois pas que cela cause une vague d'immigration énorme et que ça change le portrait global.»

Bon an mal an, environ 10 000 personnes trouvent l'asile au Canada, et 250 000 immigrés de toutes catégories obtiennent le statut de résident. Du nombre, un pourcentage assez stable de 0,7% est composé d'Haïtiens. Les plus grosses vagues d'immigration haïtiennes au Canada ont eu lieu entre 1976 et 1996: plus de 45 000 personnes avaient été reçues. Le règne des dictateurs Duvalier s'est étendu de 1957 à 1986.

TIERS PAYS SÛRS

L'Entente sur les tiers pays sûrs, entrée en vigueur en 2004 aux États-Unis et au Canada, oblige les réfugiés à faire leur demande d'asile dans le premier pays sûr où ils arrivent. Un Chinois ne pourrait, par exemple, arriver dans un aéroport de New York et se rendre ensuite au poste frontalier de Lacolle pour faire sa demande au Canada. Les Haïtiens, par contre, ne sont pas visés par cette règle, au même titre que les Afghans ou les Irakiens, parce que la situation dans leur pays est jugée trop dangereuse. Au 24 mars 2007, 77% des demandeurs d'asile haïtiens étaient entrés au Canada par voie terrestre.