Friday, March 16, 2007

From the Propaganda Machine

Bienvenue à Montréalistan

13/03/2007

Une trentaine d'islamistes de Montréal considérés comme des terroristes potentiels sont «activement surveillés, filés ou écoutés» par la police, révèle le livre Montréalistan, qui paraît la semaine prochaine.

Considérés comme une menace potentielle à la sécurité du pays, ces radicaux montréalais sont suivis par des équipes de filature, filmés par des caméras cachées ou mis sous écoute électronique 24 heures sur 24.

Fort de son enquête de terrain, Montréalistan, publiée chez Stanké, le journaliste du Journal de Montréal Fabrice de Pierrebourg avertit les Montréalais qu'ils ont tort de se croire à l'abri du terrorisme.


«Toutes les composantes de l'islamisme radical sont présentes à Montréal, indique l'auteur. Bon nombre de personnages clés du terrorisme international islamique sont basés ou ont vécu à Montréal.»

Des idéologues charismatiques aux soldats exécutants, en pensant par des faussaires, des recruteurs de martyrs potentiels, des pourvoyeurs d'argent, etc.

Jusqu'à maintenant, les complots planifiés ici ont visé des cibles extérieures. La ville de Roubaix et le métro de Paris, en France, dans les années 1990. Et plus récemment, l'aéroport de Los Angeles, aux États-Unis, dont l'attentat avorté en 1999 a valu une peine de 22 ans de prison au Montréalais Ahmed Ressam.

L'énigmatique Fateh Kamel

L'auteur a aussi réussi à rencontrer d'inquiétants personnages vivant à Montréal. Parmi eux: Fateh Kamel, patron présumé d'Ahmed Ressam il y a quelques années. Kamel a joué un «rôle central dans la vague d'attentats terroristes» en France dans les années 1990, selon le Service canadien de renseignement de sécurité. Il a été décrit comme un «cadre de l'internationale de la terreur [...] dont le boss n'est autre qu'Oussama Ben Laden».*

De retour à Montréal depuis sa sortie de prison en France en 2005, l'homme condamné pour activité terroriste gagne sa vie au volant d'un taxi, sans être reconnu de ses clients montréalais.

Montréal, terre d'accueil

«Montréal est un havre, une base logistique pour planifier, préparer et financer des attaques terroristes, soutient le journaliste. On a le sentiment que personne ne nous veut du mal parce que nous, on se croit gentils.»

Mais ce n'est pas le cas, comme en fait foi un rapport «très discret» de la Gendarmerie royale du Canada, dont il a obtenu copie. «Pour l'année 2005, ils disent avoir perturbé 12 complots terroristes», rapporte M. de Pierrebourg.

La probabilité que le Canada soit la cible d'un attentat terroriste «augmente de jour en jour», selon les experts cités par le journaliste, qui a signé un reportage-choc sur les nombreux problèmes de sécurité à l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau, l'automne dernier.

Avertissement

D'ailleurs, l'enquête Montréalistan se veut un autre sérieux avertissement au niveau de la sécurité.

«Longtemps, les autorités politiques et judiciaires d'ici n'ont pas pris les radicaux au sérieux», souligne le Parisien d'origine, marqué par les attentats qui ont fait des dizaines de morts à Paris dans les années 1980 et 1990.

Un autre facteur: la langue française attire à Montréal plus d'immigrants francophones d'Afrique du Nord (Algérie, Maroc, Tunisie) que n'importe où au Canada.

Montréal: cible potentielle

Ironiquement, le fait que le Canada n'ait jamais été frappé en fait une cible d'une grande valeur médiatique. «Un attentat, c'est un show qui sert à attirer l'attention des médias du monde entier, rappelle l'auteur. Et Montréal est une grande métropole.»

Cinq ans après les attentats du 11 septembre 2001, la police de New York a encore un agent de surveillance à Montréal, selon lui. Elle en aurait posté un seul autre au Canada : à Toronto.

L'offensive du Canada en Afghanistan lui vaut d'être «de plus en plus cité dans les forums islamistes radicaux», selon l'auteur. Et le Canada fournit du pétrole aux États-Unis, contrariant ainsi Al-Qaïda en Arabie.

  • Montréalistan, 360 pages, aux éditions Stanké, sera en vente à partir de mercredi.

    * Tiré du livre Le Jihad en Europe d'Ali Laïdi et Ahmed Salam, éd. Seuil, 2002.

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    Montréalistan

    Portrait de 20 islamistes

    Brigitte McCann
    Le Journal de Montréal
    16/03/2007 05h21 - Mise à jour 16/03/2007 08h52

    Montréalistan dresse des portraits inédits d'une vingtaine d'islamistes radicaux de Montréal, au coeur de la menace terroriste.

    Qui sont-ils? Qu'ont-ils fait? Sont-ils dangereux? On découvre ces Montréalais à travers leurs démêlés judiciaires, leurs croyances religieuses et, parfois aussi, leurs propres témoignages issus de rares entrevues obtenues au prix de mois d'efforts.

    «Certains ont terminé leur peine de prison et sont en voie de revenir au Canada, d'autres y sont déjà», indique l'auteur Fabrice de Pierrebourg.

    Comme un roman policier

    Leur portrait est toutefois dressé sans complaisance: leurs points de vue sont souvent mis en contradiction avec ceux des autorités policières et judiciaires. Car la grande majorité des activistes rencontrés nient leurs activités terroristes, même quand elles leur ont valu une condamnation.

    Le récit se lit tantôt comme un roman policier, tantôt comme une introduction à la menace terroriste d'ici. Une menace troublante. Mais c'est aussi un premier Who's who (bottin) québécois des personnalités associées au «terrorisme».

    Fateh Kamel

    Rencontré d'abord au coin d'une rue du quartier Rosemont, Fateh Kamel, qui a toujours fui les médias, a accepté de se confier à Fabrice de Pierrebourg.

    L'auteur offre un gros plan unique de l'ex-condamné à huit ans de prison, en 2001 en France, pour avoir dirigé un réseau qui fournissait de faux passeports à des militants islamistes. Il n'aurait rien du «djihadiste avec longue barbe, cheveux hirsutes, les yeux remplis de haine prêt à bondir sur le premier Occidental venu».

    «C'est Richard Gere et Jésus-Christ réunis», en dit un de ses amis. Après avoir purgé une peine abrégée, le chauffeur de taxi de 47 ans de retour à Montréal s'avoue «tiraillé entre le souhait de vivre sa vie de citoyen ordinaire [...] et une volonté farouche de laver sa réputation».

    Celui que le Service canadien du renseignement de sécurité qualifie de «chef d'une cellule du djihad» ne digère pas le refus d'Ottawa de lui accorder un passeport, se décrivant comme «un travailleur humanitaire».

    Au sujet de ses années en prison, il dit : «L'être humain n'est pas fait pour être enfermé. Mais j'ai grandi. Je suis rentré comme une chenille, je suis sorti comme un papillon.»

    Long travail de confiance

    L'auteur a également rencontré Abou H., imam salafiste pur et dur, qui, de sa mosquée de la rue Jean-Talon, décrit les femmes québécoises comme des perverses et qualifie les Québécois non musulmans de «mécréants».

    Et il décortique le passé agité de Saïd Jaziri, imam aux prises de position très controversées, bien connu à Montréal, qu'il a aussi rencontré à maintes reprises.

    Il a de plus interviewé, durant un an, de nombreux enquêteurs, agents et fonctionnaires impliqués dans la lutte au terrorisme au Canada et en France. Là aussi, ce fut un long travail de confiance. «Tu ne peux pas arriver et dire: Donne-moi la liste des terroristes potentiels surveillés!», lâche-t-il.

    Fabrice de Pierrebourg a utilisé plus de 300 pages de documents confidentiels des services secrets canadiens au cours de son enquête. Ces documents, qui lui arrivaient souvent censurés et raturés, ont été obtenus en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.