Tuesday, September 18, 2007

France: une 4e loi sur l'immigration en débat

Luc Perrot

Agence France-Presse

Paris

Les députés français ont entamé mardi l'examen d'un projet de loi durcissant les conditions d'immigration, le quatrième de ce type en quatre ans, dont un amendement introduisant des tests ADN pour les candidats au regroupement familial suscite particulièrement la polémique.

Présenté par Brice Hortefeux, le ministre de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Codéveloppement, le projet entend «mieux encadrer le regroupement familial», dont il durcit les conditions.

«Nous devons répondre à l'attente des Français qui nous demandent de maîtriser ces flux migratoires pour préserver l'équilibre de notre communauté nationale», et poursuivre la «rupture» avec le «chaos migratoire», a déclaré M. Hortefeux en présentant le texte à l'assemblée,

Le président Nicolas Sarkozy, qui avait déjà durci la législation alors qu'il était ministre de l'Intérieur, a promis une immigration «maîtrisée» et «choisie» lors de sa campagne présidentielle, et son gouvernement, qui s'est fixé un objectif de 25.000 expulsions par an, a accentué la pression policière sur les étrangers en situation irrégulière.

Le texte examiné par les députés durcit les conditions de ressources pour le regroupement familial et prévoit une «évaluation de connaissance de la langue et des valeurs de la République».

Un point qui rencontre l'approbation de 74% des Français, selon un sondage publié mardi par le journal Le Figaro.

Mais avant même la discussion du texte à l'Assemblée ou le parti de droite UMP détient la majorité absolue (314 des 577 sièges), la polémique a enflé autour d'un amendement qui introduit la possibilité de tests ADN sur les candidats au regroupement familial.

Son initiateur, le député Thierry Mariani (UMP, droite au pouvoir) argue que 11 pays européens y ont déjà recours pour prouver en cas de doute des services consulaires la filiation de ressortissants originaires de certains pays, africains notamment.

L'amendement a soulevé un tollé de protestations de l'opposition de gauche, des associations et ONG humanitaires et de défense des droits de l'Homme, ainsi que de plusieurs scientifiques de renom. Et des remous jusqu'au sein même du parti présidentiel et du gouvernement.

Au point que l'UMP et la présidence se sont réservé la possibilité de faire machine arrière. Il ne s'agit que d'une «piste de réflexion», a dit le porte-parole de M. Sarkozy.

Secrétaire d'État à la Ville, Fadela Amara, issue de l'immigration, s'était dite «heurtée» par des tests ADN qui jettent «l'opprobre sur les étrangers qui veulent venir chez nous». Le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, venu du Parti socialiste, a déclaré que le principe des tests ADN ne lui «plaisait pas».

Le groupe socialiste à l'Assemblée a pour sa part dénoncé une «abjection morale complètement contraire aux principes de la République», annonçant qu'il allait demander que soit saisi le comité consultatif national d'éthique.

Amnesty International, la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra), France Terre d'Asile et la Ligue des droits de l'Homme (LDH) notamment ont exprimé leur désapprobation.

L'amendement a aussi suscité un tollé chez les scientifiques. Le collectif «Sauvons la recherche» a dénoncé un «texte inacceptable qui ouvrirait la porte à d'autres abandons». Le généticien Axel Kahn, dans une tribune publiée par le journal Le Monde, a dénoncé une «régression radicale» et des dispositions «pas digne de notre pays et de son peuple».

Un autre ajout au texte devrait susciter le débat: celui levant sous certaines conditions l'interdiction en vigueur en France du recensement des origines raciales ou ethniques lors du recueil de données statistiques.

http://www.cyberpresse.ca/article/20070918/CPMONDE/70918085/1014/CPMONDE