Friday, June 8, 2007

Mêmes droits... en théorie

Le jeudi 07 juin 2007

André Noël

La Presse











Environ 4500 travailleurs agricoles migrants, en majorité mexicains et guatémaltèques, viennent travailler dans quelque 350 fermes au Québec cet été. En théorie, ils ont les mêmes droits que les travailleurs agricoles québécois. En pratique, ils ne connaissent pas ces droits et risquent ainsi d'être victimes d'abus.

N'importe qui se trouvant au Québec, de façon permanente ou temporaire, a le droit de quitter son logement pour aller voir le médecin de son choix, avec n'importe quel ami ou accompagnateur. Mais il semble bien que ce droit ne vaut pas pour les travailleurs migrants.

Les producteurs agricoles qui emploient ces travailleurs sont représentés par FERME, la Fondation des entreprises en recrutement de main-d'oeuvre étrangère. Le directeur général de la fondation, René Mantha, a avisé les patrons maraîchers qu'ils pouvaient congédier les ouvriers qui s'absentent de leur ferme pour voir un médecin sans passer par eux.

M. Mantha a fait publier cet avis dans L'Actualité maraîchère il y a un an et demi, lorsque des producteurs agricoles ont constaté que le Centre d'appui aux travailleurs migrants amenait des ouvriers blessés, malades ou en détresse chez des médecins.

"Advenant le cas où le travailleur voudrait se faire accompagner ou représenter par des gens du Centre d'appui pour les travailleurs migrants, il faudra informer le travailleur que le recours à des personnes autres que celles prévues au contrat ne sera pas toléré et que toute absence du travailleur du logement de l'employeur sera automatiquement considéré comme un abandon d'emploi et qu'il pourrait se voir exclu du programme."

Il s'agit là du Programme pour les travailleurs agricoles saisonniers, mis en place par le ministère fédéral des Ressources humaines en 1974. Dès qu'un ouvrier migrant se trouvant au Canada est exclu du programme, il perd son permis de travail. En règle générale, le consulat de son pays, généralement le Mexique ou le Guatemala, le rapatrie immédiatement.

Selon Patricia Perez, fondatrice du Centre d'appui, de nombreux travailleurs sont renvoyés chez eux, chaque année, parce qu'ils se blessent ou tombent malades. Pour cette raison, plusieurs d'entre eux n'osent pas se plaindre quand ils ont mal. Mme Perez affirme que de nombreux patrons gardent les cartes d'assurance maladie et les autres pièces d'identité avec eux. "Il est arrivé que des ouvriers, n'en pouvant plus d'être maltraités, se sauvent avec leurs papiers. Sans papiers, ils se trouvent prisonniers de leurs patrons, et ces derniers le savent."

Quand il a constaté qu'Andres Rosas avait quitté sa ferme, hier matin, Michel Desgroseillers, patron de Vivaces Marie-Michel à Saint-Constant, a menacé un membre du Centre d'appui de porter plainte à la GRC parce que, selon lui, M. Rosas s'était "sauvé". Le CATA avait prévu le coup, en prévenant la veille Ressources humaines Canada qu'un de ses membres irait chercher M. Rosas et l'amènerait chez le médecin, et que cela ne pourrait être considéré comme un abandon d'emploi.

Mme Perez cite un document de la GRC sur la traite des personnes, selon lequel l'exploitation de travailleurs existe dans l'agriculture commerciale, comme dans d'autres industries non syndiquées. Ce document indique que le Code criminel a récemment été renforcé pour interdire "à quiconque de conserver ou de détruire des documents comme les pièces d'identité ou les documents de voyage d'une personne" en vue de l'exploiter. La confiscation de papiers d'identité est considérée comme un vol.

http://www.cyberpresse.ca/article/20070607/CPACTUALITES/706070603/5155/CPACTUALITES