Tuesday, October 9, 2007

France: mobilisation contre les tests ADN pour candidats à l'immigration

Amer Ouali

Agence France-Presse

Paris

Nicolas Sarkozy (Photo AFP)

Nicolas Sarkozy
Photo AFP

Mobilisant responsables religieux, intellectuels et politiques de droite comme de gauche, la protestation grandit en France pour empêcher un recours à des tests génétiques dans le cadre d'une nouvelle loi visant à limiter l'immigration voulue par le président Nicolas Sarkozy.

La bataille devait se poursuivre mercredi au Sénat sur le projet de loi sur l'immigration, déjà votée en première lecture à l'Assemblée, où le parti de droite UMP est majoritaire, malgré des réticences au sein même de la majorité sur l'amendement concernant les tests génétiques.

Le Chef de l'État s'est dit déjà «pas choqué» par cette mesure, qui prévoit le recours, à titre expérimental jusqu'en 2010 aux tests génétiques comme preuve de filiation en cas de regroupement familial.

Mais la surprise est venu du Sénat, où la commission des lois a rejeté l'amendement controversé la semaine dernière. Depuis, le gouvernement tente de trouver une porte de sortie pour faire voter son texte.

Car cette disposition sur les tests génétiques a suscité une levée de boucliers, ses opposants estimant notamment qu'elle allait à l'encontre des traditions de la France.

Le président de la Commission de l'Union africaine (UA) Alpha Oumar Konaré, a jugé les tests génétiques «inacceptables au niveau éthique, moral et culturel».

Le quotidien de gauche Libération titrait mercredi sur le «le font du refus» et a lancé une pétition réclament le retrait du dispositif signée par des hommes politiques, intellectuels, syndicalistes et artistes.

Ancien premier ministre de droite, ex-rival de M. Sarkozy, Dominique de Villepin a signé ce texte, estimant que ce type de législation «n'a pas de place» en France, un pays qui a déjà «connu, malheureusement, les rafles et le rejet de l'autre».

Le leader centriste François Bayrou estime que le projet de loi vise à appliquer aux immigrés une «mécanique biologique» qu'«on ne songe pas à imposer aux citoyens français».

L'actrice Isabelle Adjani, née à Paris d'une mère allemande et d'un père algérien a signé le texte «au nom de la dignité humaine» parce qu'elle ne veut «pas croire qu'on puisse envisager cette sorte de purification par la race».

Les représentants religieux s'en prennent pour leur part à l'esprit général du projet de loi. La conférence des évêques a déploré à propos des tests ADN «une grave dérive sur le sens de l'homme et la dignité de la famille».

«Notre humanisme profond de musulman est heurté par ce recours banalisé à l'ADN», a écrit la semaine dernière le recteur de la mosquée de Lyon, Kamel Kabtane.

Refusant de «laisser caricaturer un texte que le gouvernement a voulu à la fois juste et protecteur», le ministre de l'Immigration, Brice Hortefeux, a tout de même donné des signes de recul.

Il s'est dit mardi favorable à ce que les tests ADN soient sous le contrôle de la justice et, surtout, que la recherche de filiation s'effectue à partir de la seule mère plutôt qu'avec le père. La révélation de naissances hors mariage avec ses éventuelles conséquences sur les familles fait partie des arguments mis en avant par les opposants aux tests ADN.

Le gouvernement se défend en rappelant que les tests sont en usage, pour certains depuis plus de 10 ans, dans 11 pays d'Europe.

Les Français «ont une conception de la nation et une notion d'universalisme qui sont différentes ainsi qu'un code civil qui ne distingue pas les enfants légitimes des enfants naturels et adoptés», a expliqué à l'AFP le spécialiste de l'immigration Patrick Weil pour expliquer l'ampleur du débat politique et moral sur le sujet.

Pour lui, l'amendement sur les tests ADN vise avant tout l'Afrique, et cela choque, car il y a un «lien particulier» entre la France et le continent noir.

http://www.cyberpresse.ca/article/20071003/CPMONDE/71003050/1014/CPMONDE