Un Québécois sur deux ne croit pas que la Commission Bouchard-Taylor débouchera sur des résultats concluants. |
Daphnée Dion-Viens
Le Soleil
Québec
Les accommodements raisonnables dérangent. Selon un sondage SOM–Le Soleil–La Presse, près de 65 % des Québécois estiment qu’un trop grand nombre d’accommodements raisonnables ont été accordés jusqu’à maintenant. Certaines pratiques, comme le vote à visage voilé ou le port du kirpan à l’école, sont condamnées par la quasi-totalité des sondés.
Cette enquête a été réalisée du 26 septembre au 3 octobre, auprès de 1034 Québécois. Sa marge d’erreur est de 4,2 % et son verdict, sans surprise pour les experts consultés par Le Soleil. La société québécoise est allée trop loin en matière d’accommodements raisonnables, estiment 64,7 % des sondés. En décembre dernier, ce nombre s’élevait à 59 % selon un sondage similaire.À l’opposé, 10,5 % des Québécois croient plutôt que la société n’a pas été assez accommodante, alors que 21,4 % considèrent qu’elle l’a été « juste assez ». Certaines pratiques suscitent par ailleurs une levée de boucliers généralisée : plus de 90 % des Québécois désapprouvent le port du kirpan à l’école, le vote à visage voilé ou la demande de juifs hassidiques de ne pas être évalués par une femme au moment du test de conduite de la Société d’assurance automobile du Québec (SAAQ).
Au contraire, d’autres pratiques entraînent des réactions plus modérées. Ainsi, 56 % des répondants s’opposent au port du hijab (voile sur la tête) par une employée d’un service public, 58 % sont contre les locaux de prière dans les universités tandis que 60 % désapprouvent les menus différents offerts pour des motifs religieux dans certaines cafétérias. « On remarque une grande variation dans les réponses selon les pratiques », note Gilles Therrien, président de la firme de sondage SOM. De manière générale, les Québécois s’objectent à l’envahissement de la religion dans l’espace public. La laïcité est très importante, tout comme l’égalité homme-femme. »
Une majorité des sondés s’opposent aussi au port du hijab à l’école (65 %) ou sur un terrain de soccer (70 %) de même qu’au port du turban sikh plutôt que du chapeau à la Gendarmerie royale du Canada (79 %). « Il y a un malaise et un refus de faire de la place à des pratiques que l’on peut qualifier de fondamentalistes sur le plan religieux », reconnaît Rachid Antonius, directeur adjoint du Centre de recherche sur l’immigration, l’ethnicité et la citoyenneté à l’UQAM. Mais il s’inquiète aussi de la confusion qui règne dans la population. « On a mélangé accommodements raisonnables et gestion de la diversité » alors qu’on peut très bien être contre certains types d’accommodements et pour l’immigration, précise-t-il.
De son côté, l’avocat Julius Grey (qui a notamment défendu jusqu’en Cour suprême le port du kirpan à l’école) estime que les Québécois devraient s’interroger davantage. « Est-il plus facile d’intégrer les immigrants par la contrainte ou la douceur? » demande-t-il.
Mais il relativise aussi les résultats de cette enquête d’opinion : « Un sondage, c’est comme une photo. Ça dépend du photographe et de la lumière du moment. Ce n’est pas une vérité absolue. »
http://www.cyberpresse.ca/article/20071009/CPSOLEIL/71008109/0/cpsoleil