Tuesday, February 6, 2007

Acommodements raisonnables

Le mardi 06 février 2007
Charest et Boisclair veulent clore le débat
Denis Lessard et Laura-Julie Perreault
La Presse

Dans une lettre qu’il a envoyée au premier ministre la semaine dernière, M. Drouin lui demande de déclencher «l’état d’urgence» afin de préserver la culture québécoise. Il réclame aussi un moratoire sur tous les nouveaux accommodements religieux et l’annulation de ceux déjà accordés.

En conférence de presse hier, M. Charest s’est montré impatient et a souligné qu’il s’agissait «d’un point de vue auquel n’adhère pas du tout la société québécoise». Il a ajouté que le débat doit s’inscrire dans le contexte de la Charte des droits et libertés de la personne.

Ces derniers jours, le chef du Parti québécois, André Boisclair, a aussi ajouté son grain de sel. Sur plusieurs tribunes, il a critiqué le «manque de leadership» de Jean Charest dans le dossier et attaqué la «démagogie» du chef de l’Action démocratique du Québec, Mario Dumont.

Un débat payant pour l’ADQ

Ce dernier a été le premier à prendre position sur la question des accommodements. Dans une lettre ouverte publiée à la mi-janvier, M. Dumont a proposé de doter le Québec d’une Constitution qui énoncerait les «valeurs communes» des Québécois.

Ses interventions sur la question ont eu des résultats tangibles dans le dernier sondage Léger Marketing qui montrait une poussée importante de l’Action démocratique du Québec. En fin de semaine le chef adéquiste en a remis en disant comprendre le «cri du cœur» des citoyens de Hérouxville, exaspérés par la mollesse du gouvernement, selon lui.

Antonia Maioni, directrice de l’Institut d’études canadiennes de l’Université McGill, n’est pas surprise que seul Mario Dumont ait fait ses choux gras du débat sur l’accommodement à l’approche d’élections. «Il s’adresse principalement à un électorat rural, conservateur, loin de Montréal, qui voit l’accommodement d’un mauvais œil», note-t-elle.

Pour Jean Charest, le terrain est plus glissant. Traditionnellement, les libéraux tentent de gagner autant des circonscriptions en milieu urbain, où la diversité culturelle est marquée, qu’ailleurs dans la province, où l’immigration est moins présente.

Au Parti québécois, ajoute l’experte, le défi est tout autre, plus idéologique. Dans ces positions sur la gestion de la diversité, André Boisclair devra satisfaire à la fois les défenseurs des droits de l’homme, les nationalistes et les fidèles aux principes de la «social-démocratie», expose la politologue.

Mais malgré l’épineux problème que représente l’accommodement raisonnable pour leur parti, il est trop tard pour que Jean Charest et André Boislcair se défilent, explique de son côté Christian Dufour, professeur à l’École nationale d’administration publique. «C’est un enjeu incontournable. Et ce qui fait consensus en ce moment, c’est que tous les partis politiques doivent prendre position», dit l’universitaire.

Québec solidaire semble avoir compris ce message. Hier, en entrevue avec La Presse, la porte-parole du parti de gauche, Françoise David, a annoncé que son organisation fera connaître son point de vue sur le sujet samedi. «Le débat est mal parti. Ça se fait de manière à opposer les uns aux autres. Nous croyons que ça peut être beaucoup plus serein», a-t-elle avancé hier.

Remous à Hérouxville

Les partis politiques ne sont pas les seuls à s’intéresser au débat. Dans une lettre publiée dans notre page Forum aujourd’hui, l’ancien candidat à la direction du Parti québécois, Louis Bernard, propose aux trois chefs politiques de mettre sur pied une commission d’enquête sur les accommodements raisonnables plutôt que de traîner le sujet dans l’arène politique. «C’est une question trop délicate pour en faire une affaire partisane», plaide-t-il.

La communauté musulmane a elle aussi lancé son pavé dans la mare hier. Le Congrès islamique canadien et le Forum musulman canadien ont annoncé qu’ils comptent déposer une plainte devant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec si la petite municipalité de Hérouxville ne met pas à la poubelle ses «normes de vie» à l’intention des immigrants.