Le mercredi 31 janvier 2007
La Presse
Charles Coté
Un couple de Palestiniens dont quatre petits-enfants sont nés au Canada demande l’intervention de la ministre fédérale de l’Immigration pour empêcher leur expulsion.
Arrivés en mars 2000 au Canada, Farouk Za’atar, 69 ans, et sa femme Fariha Harati, 63 ans, se sont vu refuser le statut de réfugié en décembre 2002. Une situation incompréhensible pour eux, puisque leur fils aîné, lui, a été accepté.
Après ce premier refus, ils font une demande de résidence permanente pour motifs humanitaires. Nouveau refus, en novembre dernier, même si leurs enfants se sont engagés à les parrainer.
Ils risquent maintenant d’être expulsés vers un camp de réfugiés palestiniens au Liban, où rien ni personne ne les attend, sauf la précarité et l’isolement.
« On a fait de notre mieux pour garder la famille ensemble depuis 20 ans, a déclaré Lotfi Za’atar, 40 ans, fils aîné du couple, qui s’est fait le porte-parole de la famille, hier. On est prêts à parrainer nos parents. On ne demande aucune aide financière. »
Pour Me Rick Goldman, directeur d’une coalition de défense des réfugiés, le cas des Za’atar illustre les deux lacunes fondamentales du système canadien d’accueil des réfugiés. « Il y a l’absence de possibilité d’appel des décisions de la Commission de l’immigration et du statut du réfugié et aussi le manque de constance dans l’application des motifs humanitaires », dit-il.
Janet Dench, directrice du Conseil canadien pour les réfugiés, dénonce « le manque complet de cohérence » de la CISR. « Pour ce qui est des réfugiés palestiniens au Liban, c’est une loterie, dit-elle. Et il n’y a pas d’appel. »
Né en Palestine, M. Za’atar père a grandi dans un camp de réfugiés palestiniens au Liban. Mme Harati est libanaise d’origine, mais la loi de son pays l’a empêchée de transmettre sa nationalité. Les enfants du couple naîtront donc apatrides.
La famille a déménagé en Égypte, mais elle n’a pas pu finalement y obtenir de statut. Elle s’est ensuite déplacée en Afrique au gré des emplois.
Lotfi est arrivé le premier au Canada, il y a 14 ans. Accepté comme réfugié, il obtient la citoyenneté canadienne en 2000. Son diplôme d’ingénieur n’étant pas reconnu, il travaille comme cuisinier. Il convainc le reste de la famille de le rejoindre ici. Ses parents arrivent juste à temps pour la naissance de son fils, leur premier petit-enfant. Il a maintenant un autre garçon et son épouse doit accoucher d’ici deux semaines de leur troisième enfant. En 2000, il parraine avec succès sa sœur Hanadi, 33 ans. Arrivée avec ses deux filles nées aux États-Unis, elle a eu depuis deux autres filles au Canada.
Avec l’arrivée au Canada du cadet Yasser, 32 ans, reçu immigrant en 2005, la famille Za’atar croyait s’être enfin réunie. « Il ne reste aucun membre de la famille là-bas », dit Lotfi Za’atar, qui s’exprime aussi bien en anglais qu’en français.
Une décision humaine
Les petits-enfants se demandent maintenant pourquoi leurs grands-parents vont peut-être les quitter pour un lointain pays secoué par la guerre. « On peut difficilement imaginer une décision plus inhumaine », dit Me Goldman.
Du Liban, le couple pourrait se faire parrainer par ses enfants, mais les délais sont de quatre ou cinq ans, dit Mme Dench. « Chaque année, la liste d’attente s’allonge, dit-elle. Et les cas sont traités sans égard pour la situation. On traite de la même façon des parents qui attendent tranquillement en Europe ou d’autres qui sont au Liban dans un camp.»