Gilles Toupin
La Presse - Ottawa
La bataille pour obliger le gouvernement Harper à mettre sur pied la Section d'appel des réfugiés (SAR) fait rage actuellement aux Communes.
Pour les partis de l'opposition, la mise en oeuvre de cette partie de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés peut faire la différence entre la vie et la mort pour certains demandeurs d'asile.
D'ici un mois environ, l'opposition majoritaire au Parlement adoptera un projet de loi privé, le projet de loi C-280, parrainé par la députée bloquiste de Laval, Nicole Demers. Il vise à obliger le gouvernement à mettre sur pied la fameuse Section d'appel des réfugiés, qui fait tant défaut à ceux qui ont été contraints de chercher asile dans une église et de mettre, pour ainsi dire, leur vie en suspens.
Le projet de loi a déjà franchi les étapes de deux lectures aux Communes. Il doit être examiné vraisemblablement mardi prochain par le Comité sur la citoyenneté et l'immigration. Il sera ensuite renvoyé à la Chambre pour la troisième lecture et le vote définitif. Aussi bien les libéraux que les bloquistes et les néo-démocrates sont en faveur du projet C-280, ce qui ne laisse aucune chance au gouvernement conservateur minoritaire de le contrer.
Meili Faille, la députée du Bloc responsable du dossier de l'immigration, trouve pour le moins étrange la réticence du gouvernement Harper à mettre en place la Section d'appel des réfugiés.
«Lorsqu'ils étaient dans l'opposition, dit-elle, ils étaient en faveur de la Section d'appel. Aujourd'hui, ils font volte-face. Il y a quelqu'un quelque part qui bloque la mise en place de la SAR.»
La députée déplore l'incompréhension du gouvernement face à la SAR. Selon elle, la Section d'appel rendrait les décisions plus uniformes, plus justes.
«La Section d'appel des réfugiés fait partie de la loi adoptée par le Parlement en 2001, rappelle Mme Faille. Tous ceux qui ont travaillé à mettre au point cette loi au Comité de l'immigration étaient d'accord pour qu'on passe de deux commissaires à un pour entendre les requêtes des demandeurs d'asile. Cela permettrait de combler un certain retard dans les demandes accumulées. En échange, il était assuré que la Section d'appel des réfugiés serait créée pour maintenir l'équilibre et ne pas faire en sorte que la vie des demandeurs soit à la merci d'une seule personne. La SAR n'a pas été mise en place et c'est pourquoi nous avons décidé d'obliger le gouvernement à le faire au moyen du projet de loi C-280.»
Raymonde Folco, la députée libérale de Laval-Les Îles, qui a été commissaire à l'immigration avant de faire de la politique, confirme que le Parti libéral appuie le projet de loi C-280. Elle admet néanmoins que les libéraux sont les premiers responsables de la situation : ce sont eux qui ont annoncé en mars 2002, sans consulter le Parlement, la mise en oeuvre de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés sans les articles de la loi qui accordent aux demandeurs d'asile le droit d'appel à la SAR.
«Nous appuyons aujourd'hui le projet C-280, dit-elle, parce que le système d'audience à un commissaire va tout à fait à l'encontre de la décision qui avait été prise lors de la création de la commission. Ce système devait être accompagné d'une section d'appel. Il n'est pas acceptable qu'une seule personne ait droit de vie ou de mort sur les personnes qu'elle entend.»
Bill Siksay, le critique néo-démocrate en matière d'immigration, affirme pour sa part que le NPD a toujours été en faveur de la création de la SAR. «La SAR, dit-il, était un compromis qui permettait de conserver le principe de justice au sein du processus. Et ce n'est pas une mesure qui coûte cher. Cela ne ralentira pas le processus, bien au contraire, puisqu'il y aura moins d'appels à d'autres niveaux, notamment devant la Cour fédérale. C'est quand même ridicule qu'il faille faire voter une loi pour faire appliquer la loi. Nous ne devrions jamais avoir à débattre d'une telle loi au Parlement.»
Évidemment, personne ne se berce d'illusions au Parti libéral, au Bloc québécois et au Nouveau Parti démocratique sur la volonté du gouvernement de respecter le projet de loi s'il est adopté. «Qui portera l'odieux d'une telle attitude? demande Meili Faille. Moralement, le gouvernement devra mettre en place la section d'appel. Il a d'ailleurs déjà l'obligation morale de faire appliquer la loi, et on ne comprend pas pourquoi il ne le fait pas.»