Montréal, 20 Avril 2007 - Avec l'aveu d'Ahmed Ressam comme quoi il a inventé
de l'information sur le Québécois Adil Charkaoui, il y a plus de raisons que
jamais de douter du Service canadien du renseignement et de sécurité (SCRS),
l'agence responsable d'initier le processus du certificat de sécurité.
M. Charkaoui, dont la contestation de la constitutionnalité du certificat de
sécurité a été confirmée par la Cour suprême en février 2007, a affirmé :
«Ce n'est pas la première fois que la faiblesse de la poursuite du SCRS
contre moi est révélée. En 2004, la Cour fédérale a accepté de mettre de
côté toute information fournie au SCRS par Abu Zubaydah, parce qu'il y avait
des raisons de croire que cette information avait été obtenue sous la
torture lors de sa détention aux États-Unis. En janvier 2005, nous avons
appris que le SCRS avait détruit des preuves dans mon dossier - ce qui est
d'aiileurs la base d'une deuxième contestation que la Cour suprême a accepté
d'entendre dans l'année à venir. En février de la même année, peu de temps
après ma libération, Radio-Canada a publié des preuves indiquant que de
l'information produite par le SCRS provenant d'un prisonnier marocain avait
été obtenue sous la torture, ce dernier s'étant d'ailleurs rétracté par la
suite.»
« Le rôle que le SCRS semble avoir joué dans l'introdution d'information
partiale, douteuse et obtenue illégalement est très troublant», a ajouté
Mary Foster, membre de la Coalition Justice pour Adil Charkaoui.
«La loi régissant le certificat de sécurité a fourni le contexte pour que
des erreurs et des abus soient commis, incluant l'introduction de preuves
provenant de "détenus délateurs" peu fiables», a déclaré Me Dominique
Larochelle, l'avocate de M. Charkaoui.
M. Charkaoui et ses avocates ont tenté de contre-interroger Rassam depuis la
première fois que son nom a été publié en lien avec le certificat de
sécurité de Charkaoui en juillet 2003. Toutefois, les avocats du
gouvernement se sont opposés au droit de Charkaoui de contre-interroger M.
Ressam, admettant finalement qu'il n'existait pas d'affidavit de Ressam,
mais seulement des ouï-dire. La détention de Ressam était le résultat d'un
arrangement inhabituel aux États-Unis, selon lequel sa sentence serait
moindre s'il fournissait de l'information aux autorités pendant une période
de quatre ans. En mars 2005, Charkaoui a soumis des preuves à la Cour qui
soulevaient davantage de doutes quant à la crédibilité des informations que
Ressam avait soit-disant fournies pour incriminer Charkaoui. Cela avait
soulevé des questions concernant l'incapacité du SCRS à produire cette même
preuve facilement obtenue, qui consistait en un mandat d'arrêt indiquant que
Ressam était en fait à Montréal durant la période pendant laquelle il
prétendait avoir été en Afghanistan.
«Cette dernière révélation souligne également la faiblesse des solutions
proposées au certificat de sécurité. Est-ce que cette information aurait été
rendue publique avec l'avocat spécial en place? J'en doute. Est-ce servir la
justice que de ne pas rendre publique cette information? Je ne le crois
pas», a ajouté Charkaoui.
Le gouvernement a annoncé qu'il considérait l'introduction d'une nouvelle
loi sur les certificats de sécurité, à la suite de la décision de la Cour
suprême déclarant le certificat de sécurité inconstitutionnel. Une solution
présentement à l'étude est l'introduction d'un avocat nommé par le
gouvernement, connu sous le vocable d'avocat spécial, qui aurait accès à
l'information secrète mais ne pourrait pas la dévoiler à son client ou au
public.
« La dénégation de Mr Ressam illustre bien que les règles usuelles de
justice avec le processus contradictoire doivent être suivies dès
l'ouverture d'un processus judiciaire à l'encontre d'une personne dans des
affaire des allégations aussi grave entraînant une atteinte à la réputation
et une perte de liberté, ce qui confirme le bien fondé de la conclusion de
la cour suprême que le régime des certificat de sécurité viole la charte
canadienne des droits et libertés », selon Me. Johanne Doyon, l'avocate de
Charkaoui.
Charkaoui a conlu : «C'est un autre jour de joie pour moi et ma famille. Un
autre élément de preuve vient appuyer ce que nous disons depuis les quatre
dernières années: que je suis innocent des allégations retenues contre moi.»
Le certificat de sécurité contre M. Charkaoui n'a jamais été confirmé. Son
cas est suspendu depuis mars 2005, au moment où le gouvernement a été forcé
de revenir sur une désicion alors que Radio-Canada avait révélé un
manquement du SCRS concernant une information.
Même s'il n'a jamais subi de procès et même si la loi elle-même a été jugée
inconstitutionnelle, M. Charkaoui demeure sous de sèvères restrictions qui
affectent la liberté de toute sa famille. Il doit respecter un couvre-feu
stricte, être accompagné par un superviseur choisi par la Cour chaque fois
qu'il quitte sa résidence et doit porter un bracelet GPS.