Le dimanche 15 avril 2007
Hugo de Grandpré
La Presse
Quatre cent soixante-seize jours vivre d'un vague espoir, dans une vieille demeure aux planchers de bois qui craquent, ne sortir que deux ou trois fois par jour, sur le balcon arri re, pour fumer une cigarette.
C'est l'existence laquelle est confiné Abdelkader Belaouni, l'une des 10 personnes contraintes de se réfugier dans une église au Canada pour échapper leur renvoi dans leur pays d'origine.
Aveugle et diabétique, cet homme d'origine algérienne a trouvé refuge l'an dernier au presbyt re de l'église Saint-Gabriel, dans le quartier Pointe-Saint-Charles.
Depuis, il occupe ses journées comme il le peut. Chaque jour, des membres d'un organisme communautaire lui apportent manger. Des bénévoles d'un autre organisme lui fournissent de l'argent.
Pour passer le temps, l'homme de 40 ans participe une fois par mois l'émission Hour of Power, la radio de l'Université McGill. Il donne aussi des cours de français et d'arabe, en plus d'apprendre la guitare et de s'exercer au piano.
Il passe le reste de ses journées attendre. Attendre quoi? «Que le gouvernement réagisse», dit-il seulement.
Le Canada a rejeté toutes les demandes d'Abdelkader Belaouni. Dans les deux derni res, il sollicitait l'asile pour raisons humanitaires.
Il est maintenant sans recours. Grâce l'aide d'une série d'organismes, il a pu trouver cet asile l'automne 2005. Il r ve de retrouver sa vie d'avant.
ce jour, il demeure convaincu que les gens chargés d'examiner ses demandes d'immigration l'ont considéré comme un fardeau pour la société canadienne. «Mais je ne suis pas un fardeau!» s'écrie-t-il.
«J'ai travaillé presque un an comme réceptionniste dans un organisme. Je vivais de l'aide sociale, c'est vrai. Mais si on fait le calcul, j'ai donné beaucoup plus la société que ce qu'elle m'a donné.»
S'il parvient sortir un jour de son refuge, M. Belaouni promet de payer sa dette aux gens de Pointe-Saint-Charles. «Je leur dois beaucoup», dit-il.
Mercredi dernier, un double attentat a frappé Alger. C'est l qu'on voudrait le renvoyer. Du fond de son presbyt re montréalais, il tremble pour ses trois fr res et ses deux soeurs, qui habitent toujours en Algérie. «J'ai peur de ce qui va arriver dans ma famille.»